vendredi 15 février 2013

Titien








Le Titien est né à côté de Venise (sur la terre ferme et non dans la lagune), autour de 1488 (la date exacte est ignorée). Il est mort à environ 90 ans. Sa carrière est indissociable de la ville de Venise, alors à son apogée.
Issu d'une famille de notables, il reçoit tout d'abord une formation chez un mosaïste. Il entre ensuite dans l'atelier des Bellini. Le père, Jacopo, est un peintre et théoricien, qui a introduit à Venise la perspective découverte à Florence. L'atelier appartient à son fils aîné, Gentile, mais Titien s'inspire surtout du plus talentueux des trois fils, Giovanni, qui accorde, dans sa peinture, la primauté à la couleur. Enfin, le Titien reçoit une dernière influence, celle de Giorgione (mort en 1510), qui établit dans ses œuvres une sorte de synthèse entre les clair-obscur de Vinci et la couleur de Bellini.

Qu'est-ce qu'un portrait?



Le Portrait :"ritratto"



Qu'est-ce qu'un portrait?


                Nous nous attacherons à répondre à cette question en partant de la compréhension du mot "Portrait" en Italien: "ritratto" qui signifie étymologiquement "ritrarre" soit retirer, extraire.
Le ritratto est le résultat d'une opération qui engage le regard et la perspicacité de l'observateur ; cette opération fait apparaître ce qui n'est pas manifeste, synthétise les éléments observés, et ce qu'on retire de l'observation
Dans ses usages diplomatiques, le mot ritratto désigne la quintessence de ce que l'œil attentif peut capter : c'est précisément ce que les grands auteurs de portraits, tels que Titien ou Tintoret, réussiront à faire sous leurs pinceaux, en soumettant à l'intelligence de leurs spectateurs une image déjà élaborée par leur regard perspicace, et non simplement une reproduction passive de la réalité.
                Nous  essayerons d'abord d'expliciter ce qui peut être retiré d'un portrait, nous examinerons ensuite en quoi le portrait est-il un idéal inaccessible, enfin, nous nous pencherons sur le résultat, que reste t-il à la fin?






"Ritratto", retirer, extraire, extraire quoi?

                Quand on aborde le genre du portrait à travers cette notion de retrait, on ne peut s'empêcher de penser à l'imago. L'imago latin désigne ce masque mortuaire que les familles patriciennes portaient en procession dans les rues avant de l'installer dans l'atrium, au foyer des ancêtres. Image indicielle, posée sur le visage du défunt puis retirée, née du contact direct avec son référent, image native, image pure.
                Si le portrait est un genre qui recherche la représentation ressemblante d’une personne, cette définition consensuelle ne résiste guère à l’examen. La beauté d’une œuvre, la réussite d’un portrait ne sont pas dans la ressemblance mais dans « un surcroît », comme l’explique par exemple Paul Ricoeur. Elles ne tiennent, précise le philosophe, « ni à la qualité de [la] représentation, ni au fait que c’était ressemblant à un modèle, ni à leur conformité à des règles prétendues universelles, mais à un surcroît par rapport à toute représentation et à toute règle[1] ».
                Comment définir ce surcroît? Une chose fragile, impalpable, précieuse, rare, une chose qui peut parfois surgir comme un coup de poing et venir frapper le spectateur avec la force d'une Révélation. On s'approche de ce que Roland Barthes a appelé le punctum ou de ce que Walter Benjamin cible sur le portrait de la marchande de poisson de Newheaven (fig. 1, )





Le portrait est-il possible?

                Le deuxième commandement dit:" Tu ne feras pas d'idole ni de représentation de ce qui ce trouve en haut dans le ciel [...] ". Si l'on considère que l'homme aurait été fait à l'image de dieu. Dans ce contexte, on pourrait considérer que  le débat entre iconophiles et iconoclastes concerne également la représentation de l'homme.
                Or, il ne suffit pas de décider de violer ce commandement pour atteindre une sorte de transcendante perfection.
                Le portrait est toujours parcellaire, le Voir dans sa totalité reviendrait à voir l'image de dieu, l'image ultime, mortelle.
               
                De plus, le photographié dans son paraître n’est redevable qu’à la pure photogénie. La photographie, par son effacement de la manipulation humaine, possède un pouvoir photogénique permettant aux êtres et aux choses « d’illuminer leur propre manifestation »[2] . La photographie, de par sa nature donne au référent une réalité qui va au-delà de l'objet lui même. A la différence du simple "Ca-a-été", pour Pontremoli "C’est (la photographie) un corps glorieux qui s’anime dans l’encadrement arbitraire du support et s’impose à nos yeux "
C'est là que réside « l’excès du visible » . Or ce dernier étouffe, tue l'image dans l'œuf, on ne voit généralement que ce qui est représenté sans chercher cet au-delà du référent.

"Ceci n'est pas une pipe"



L'artiste qui entreprend la démarche, un peu masochiste ou narcissique de s'exprimer dans le portrait  doit faire un travail de deuil. Le combat est perdu d'avance. Il ne pourra saisir le modèle mais juste un peu de lui même.

Il n'existe pas de portrait, seulement des autoportraits.


Que reste t'il?

                Lors de la réalisation d'un portrait, le créateur doit composer avec de nombreux paramètres: l'apparence que veut bien se donner son modèle, la nature de leur relation, les contraintes techniques et matérielles... On peut ajouter à cela l'hypothèse que l'artiste disposant de quelque talent aura à cœur de proposer son interprétation, sa perception, sa subjectivité de la rencontre. Que subsistera t' il à la fin?
                Pour Richard Avedon: "Un portrait photographique est une image de quelqu'un qui sait qu'il est en train d'être photographié." L'artiste précise: "Tout ce que vous avez c'est la surface."

                Il subsiste une surface, Gilles Deleuze définit celle-ci comme: " [...] un visage: système mur blanc-trou noir."[3] Il ajoute: "  Le visage construit le mur dont le signifiant a besoin pour rebondir, il constitue le mur du signifiant, le cadre ou l’écran. Le visage [...] constitue le trou noir de la subjectivité comme conscience ou passion. "[4] Autrement dit, il n’existe pas d’essence séparée de l’homme, que le visage serait censé représenter.
Conclusion

                Le portrait est un genre, une représentation de l'homme organisée autour du visage, lui même gravitant autour du regard en une heureuse polysémie ou le sens (signification) s'accomplit dans les sens.
                Leonard, Titien, Tintoret, Goya, Van Eyck, Van der Weyden, Petrus Christus, mais aussi Cameron, Avedon, Horsfield, Arbus, Lüthi, Breukel... et tant d'autres inconnus ... Oui parfois quelque chose se produit.


Fig.1



Marchande de poisson de Newhaven , Hill & Adamson



[1] Paul Ricoeur, La critique et la conviction. Entretien avec François Azouvi et Marc
de Launay, Paris, Calmann-Lévy, 1995, p. 271

[2] Edouard Pontremoli, L'excès du visible - Une approche phénoménologique de la photogénie, Paris, Million 

[3] Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Paris, Editions de Minuit, 1980, p 205 

[4] Ibidem, p 206

mercredi 23 janvier 2013

Francisco Goya

Sa réputation acquise avec ses premiers cartons lui ouvre les portes de l’aristocratie espagnole et ses aptitudes naturalistes comme ses qualités d'observateur vont le servir dans la peinture du portrait. Ses premiers essais sont un triomphe et la mode est de se faire peindre par lui (personnes royales, ministres, ambassadeurs, grandes dames et comédiennes).
      C'est par centaines que l'on compte les portraits peints par Goya. On retiendra ceux de Don Manuel Osorio (un enfant en habit rouge), la porteuse d’eau ou ses portraits de femme comme la duchesse d’Albe (sa maîtresse ?) et Josepha Bayeu (son épouse). A elles seules, les deux toiles de la Maja (musée du Prado) qui représentent la même jeune femme, vêtue et nue, démontrent à quel point Francisco Goya est un peintre hors pair, poussé vers la modernité.







    

mercredi 19 décembre 2012

Hendrik Kerstens





Hendrik Kerstens : Paula, entre tradition et confusion

Depuis quelques années, en total autodidacte, Hendrik Kerstens s’est lancé dans la photographie avec pour modèle régulier, sa fille, Paula. Ici, des portraits rappelant l’âge d’or de la peinture hollandaise, avec un soupçon de modernité.




…………………………
Hendrick Kerstens pense le portrait comme un art pictural. Le photographe ne se cache pas de son influence des grands peintres hollandais, dans la rigueur des cadrages, des lumières, auquel il ajoute son regard contemporain et son lot d’accessoires pour le moins déconcertant.





lundi 17 décembre 2012

Les apparences de la vérité ou les rêves d'objectivité du portrait photographique

"Malgré la présomption de véracité qui confère à toutes les photographies autorité, intérêt et séduction, le travail des photographes n’échappe pas, par nature, au trouble et à l’ambiguïté qui caractérisent normalement les rapports de l’art et de la vérité."


Susan Sontag Sur la photographie, Christian Bourgois éd., Paris, 2008


Dispositif mécanique et apparemment neutre d'enregistrement visuel, la photographie a inspiré depuis ses débuts une approche vériste du portrait qui ambitionnait d'en faire le vecteur d'une véritable " mise à nu " de la nature profonde du sujet représenté. En dépit de la résistance des individus, les photographes ont exploré ainsi de multiples moyens d'atteindre cette impossible vérité : imposition d'un fond neutre ; suppression des effets fastueux du costume en privilégiant les tenues les plus quotidiennes, voire en faisant poser nu ; restriction du cadrage au visage ; et pour finir, suppression de toute interaction avec les modèles en les photographiant à la dérobée. Cette quête d'objectivité croise à plusieurs reprises le chemin suivi de leur côté par les sciences sociales pour imposer la scientificité de leur démarche.

Thomas Ruff





Koos breukel

Koos Breukel procède par empathie et choisit des êtres que la vie a obligés à réagir. Il construit ainsi, dans un face à face émotionnel, une représentation qui traduit davantage une situation qu'une identité. Portraits existentiels, auxquels se raccrochent souvent une histoire, un conflit, une blessure.